Les Cavaliers de Zapata - Hacienda Chinameca

Les Cavaliers de Zapata - Hacienda Chinameca

von: FF Valberg

novum publishing, 2024

ISBN: 9783991300823 , 208 Seiten

Format: ePUB

Kopierschutz: Wasserzeichen

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Preis: 18,99 EUR

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Les Cavaliers de Zapata - Hacienda Chinameca


 

II - TERRE REBELLE INSOUMISE

11 - UNE MAISON EN RUINE

Moctezuma entre dans la vieille maison située dans le centre historique de Cuernavaca, tout près de la cathédrale et du jardin Borda.

La maison a été partiellement détruite lors de la terrible attaque de de la O contre la cité. Elle a été à moitié incendiée, mais la partie où il avait jadis installé son bureau était encore habitable. À peine deux mois après qu’il y avait ouvert son cabinet d’avocat, il avait été arrêté par la police à cause de ses tracts contre Don Porfirio.

Comme tous les soirs où, rentrant de Mexico, il ne désire plus rejoindre le quartier général zapatiste de Tlaltizapán, il s’installe dans son ancien bureau pour réfléchir. D’ailleurs, il est indécent de qualifier aujourd’hui cette misérable pièce de « bureau ». Tous ses livres ont disparu, il ne reste qu’un vieux fauteuil délabré, il n’y a plus de chaises, plus de mobilier.

Pourtant, il aimait encore l’endroit quoique le souvenir de Trinidad Aguirre fût encore omniprésent dans la maison. C’était en 1908 qu’il avait fait la connaissance de Trinidad, son aîné d’une demi-douzaine d’années. La maison appartenait à la famille de Trinidad, et Trinidad avait installé son cabinet de médecin dans la partie maintenant brûlée de la maison. Il avait laissé le reste à sa disposition pour le cabinet d’avocat.

En février 1912, quelques jours après l’incendie de Santa Maria par les fédéraux, Trinidad était venu se mettre à notre disposition comme médecin.

Fin mars de l’année passée, il avait été tué par un éclat d’obus lors de la prise de Chilpancingo. Sa veuve était retournée chez sa famille à Mexico.

Que de choses terribles se sont passées depuis le début de la révolution, pense Moctezuma en s’arrachant au souvenir de Trinidad. La guerre ne cessera-t-elle que quand nous nous serons tous entretués ?

Certes, la paix régnait désormais dans le Morelos depuis la fin de l’été passé, mais personne ne savait combien de temps restait encore avant que la guerre ne reprenne. Car Moctezuma savait dans son for intérieur que la guerre reprendrait bientôt et exigerait de nouveau son tribut. Nous avons beau nous retrancher dans le Morelos, nous n’avons gagné qu’un répit. Nous avons beau nous isoler, pense-t-il, cette chienne de guerre nous rattrapera.

Nous sommes en mars et beaucoup de progrès ont été faits dans les villages au cours des derniers mois. Les villageois ont établi une société locale basée sur des valeurs civiles.

Ils ont élu les autorités municipales et judiciaires et leurs revendications portent sur les biens locaux. Ces fils des pueblos, métayers, ouvriers agricoles et rancheros, ont pris part aux campagnes de l’armée révolutionnaire et savent bien que les chefs militaires leur doivent le respect. Et surtout, ils ne veulent pas se laisser spolier du succès de leurs campagnes.

Sont-ils des paysans pervers – comme les décrient leurs ennemis – quand ils disent que les contrats autrefois conclus entre les haciendas et le chemin de fer sont nuls, alors qu’ils sont désormais propriétaires des terres et des eaux ? Ou quand ils refusent que les ouvriers des chemins de fer coupent le bois pour les traverses dans les bois qui leur appartiennent ?

Ce sont des hommes fiers et libres, se dit Moctezuma. Ils ont assez longtemps été les dindons de la farce et ont raison de ne plus vouloir le redevenir.

Emiliano et la plupart des chefs leur témoignent leur estime et s’interdisent de se mêler des affaires des pueblos. Parfois, une brebis noire parmi les chefs militaires cherche à s’immiscer dans des affaires de village. Alors Emiliano n’hésite pas à réprimander le chef coupable d’ingérence. Les villageois ont confiance en Zapata et voient en lui un redresseur de torts. Quand ils font appel à lui pour régler un conflit local, il se borne à entériner et faire appliquer la décision prise par les villageois.

Demain, j’ai de nouveau à affronter le président villiste au cabinet conventionniste à Mexico, songe Moctezuma. Il me met des bâtons dans les roues. Il est des moments où je n’en reviens pas encore d’avoir été nommé secrétaire de l’Agriculture, au début de l’année, au gouvernement conventionniste.

Il entend encore Emiliano lui dire : « Pour une fois, ils ont fait un choix judicieux. Personne ne connaît le problème agraire mieux que toi. Tu porteras la réforme sur le terrain pratique. »

Loin de lui l’idée de se prendre pour une grande figure de réformiste dans la lignée de Benito Juárez ! À cette pensée, il rit sous cape. Mais je suis passionné, hardi et décidé. Ingénieux ? Ce n’est pas à moi de le dire. Mes ennemis ne manqueront pas de s’en charger, ricane-t-il. En tout cas, je suis infatigable à travailler pour le progrès de la cause agraire. Et quoi qu’il fasse, le président villiste de la Convention n’arrivera pas à m’en empêcher. À moins que le destin ne s’en charge et que je subisse le même sort que le malheureux Paulino Martinez…

Pancho Villa nous a vendu des outres pleines de vent, ses sacs en peau de bouc ne sont pas bourrés d’armes et de munitions. Ses sacs sont pleins d’illusions. Et pire, il ne chante pas notre credo avec toute la ferveur et la religiosité que nous exigeons de lui : la réforme agraire, il a l’air de s’en ficher.

Xochimilco s’est révélé un trompe-l’œil.

Les villistes nous font grief de ne pas assez les épauler dans la lutte contre les carrancistes. À qui la faute de la dégradation progressive de nos rapports avec Villa ? Villa s’est fait tirer l’oreille pour nous envoyer l’artillerie. Cela ne nous a pas fait plaisir de transporter tout ce matériel sur nos épaules et à dos de mulet par le col séparant les deux grands volcans, le Popocatépetl et l’Ixtaccihuatl.

Emiliano s’est retiré à Tlaltizapán après avoir laissé une garnison à Puebla. Refusant d’ouvrir un second front, il ne fait pas un pas hors du Morelos. Est-ce une faute tactique qui nous poursuivra encore pendant des années ? Aurons-nous à en supporter des conséquences désastreuses ?

La dégradation de l’entente de Zapata avec Villa n’avait pas échappé aux généraux de Carranza et leur réaction n’avait pas tardé. Ils avaient lancé leur attaque et Obregon avait repris Puebla. Cela avait été le commencement de la terrible guerre qui ravageait maintenant le Nord.

Moctezuma ressasse la même question. Avons-nous tort de rester à l’écart, confinés dans notre Morelos ? La réponse à la question reste ouverte.

Entretemps, la nuit est tombée.

Il s’assoupit.

12 - LA RENAISSANCE DES PUEBLOS

C’est grâce au secrétaire à l’Agriculture, Moctezuma Las Casas, que la réforme agraire a pris corps dans le Morelos dès la fin du mois de janvier. Une quarantaine de jeunes, fraîchement diplômés de l’École nationale d’Agriculture, ont débarqué à Cuernavaca, munis de leurs appareils de mesurage, trépieds et chaînes d’arpenteur.

Des ingénieurs supplémentaires sont affectés à la direction des commissions des divers districts. Lesdites commissions se sont immédiatement mises au travail.

Zapata et Moctezuma ont donné l’ordre aux commandants locaux de les protéger dans leur tâche. Ces ingénieurs agronomes gagnent rapidement la confiance des chefs des pueblos et des villageois. Quoique de nombreux pueblos aient déjà pris possession des champs récupérés des haciendas et même se soient octroyé des terres plus grandes, les chefs acceptent que des relevés topographiques soient effectués.

Ils présentent leurs titres fonciers qui datent souvent de l’époque des vice-rois. Ainsi peut-on voir les agronomes avec leurs équipes avancer dans les campagnes à la recherche des points de repère pour la démarcation. Et ils ont du pain sur la planche, car il est facile de comprendre que les anciens titres pèchent souvent par imprécision ou la nature leur a joué un tour au fil des siècles. Une indication comme « un ravin profond » ou « une colline arrondie » peut ne plus être de la moindre utilité, le ravin étant depuis longtemps comblé et la colline aplanie par les roches ou le sable du désert. Le ruisseau a changé de lit et l’arbre, jadis point de repère, n’a pas résisté aux tempêtes.

Le fait que les pueblos reconnaissent l’autorité officielle des commissions agraires n’empêche pas des conflits de surgir. De tenaces rivalités entre villages, apparemment insolubles, ne peuvent finalement être arrangées que par un compromis, ou par une décision du chef révolutionnaire du district ou de Zapata en personne.

Le cas opposant l’hacienda de Temixco au village de Santa Maria est devenu célèbre dans tout le Morelos et a sans aucun doute rehaussé le prestige de la...